Mardi soir. Le ciel, bleu sombre, est traversé par de longues volutes de nuages translucides et nacrées. Le mercure bloque aux alentours des 28 °C.
La journée a été longue et particulièrement éprouvante. Je suis fatigué. Je dine léger. Depuis le milieu d'après-midi, l'idée d'aller courir m'encombre l'esprit. Elle m'encombre, car je sais par expérience que le soir, la fatigue de la journée accumulée, je n'ai plus la force (ou le courage) de rentrer dans mes vêtements de course. Je bois. De l'eau plate, fraiche mais pas glacée. La lumière est particulièrement belle, ce soir. Je sors, pieds nus, sur le gazon fraichement tondu. Mes yeux parcourent le ciel. Il est 20h et les premières étoiles commencent à scintiller.
J'y vais. J'enfile ma tenue de combat, bois encore un petit verre d'eau et me remémore le parcours que j'ai en tête depuis quelques jours. Une boucle de 7 km. De chez moi jusque... chez moi ! Je dois pouvoir le faire en trois quarts d'heure, tranquillement.
Les premières minutes de course sont toujours les plus douloureuses. Les jambes sont lourdes, des douleurs se réveillent dans les jambier antérieur, les cuisses et les lombaires. Avec toujours, dans les premières foulées, cette question récurrente : "Vais-je aller jusqu'au bout ?".
Une dizaine de minutes après, les douleurs cessent. Ma respiration se stabilise et ma foulée se régule. Je suis bien. Je traverse des paysages enluminés par la lumière rasante du soleil. Des vaches circonspectes, des fermes endormies aux murs de chaux éblouissants, c'est magnifique. Un frisson me parcours le corps à la vue de ces spectacles muets. Au fil des champs de blé et des étendues de hautes herbes, des passages de Pagnol et Giono ressurgissent.
Mes jambes me portent depuis trente minutes. Je sais maintenant que je vais y arriver. La route défile. Deux jeunes buses surgissent d'un fourré. Je ne sais pas qui, d'elles ou moi, a été le plus surpris. Je continue, sous le charme d'une nature qui se dévoile à moi sous un angle toujours nouveau.
J'y suis. Trois quarts d'heure... ça commence à ressembler à quelque chose ! Quarante-cinq minutes sans m'arrêter, sans cracher mes poumons ni ressentir la moindre courbature.
Je vais me rafraichir dans la piscine.