vendredi 24 juin 2011

21 km dans les vignobles d'Alsace


Matin difficile. J'ai dormi seulement 2 ou 3 heures dans la nuit du samedi au dimanche, partagé entre l'angoisse de ne pas réussir ma course et différentes chimères qui ont troublé mon sommeil. 7h : Je descend dans le hall de l'hôtel, prends un petit déjeuner léger (je n'ai pas tellement d'appétit) : café, tranches de brioche que je recouvre d'une fine couche de compote de pomme. Je monte dans la chambre rassembler mes affaires. L'estomac noué, je prends le volant jusqu'au point de départ…

Arrivé à Dorlisheim, je ressens un début de mal de crâne et je prends immédiatement une aspirine. Je rejoins un groupe de coureurs qui s'est emmitouflé dans des sacs plastique. On monte dans le bus, qui sera notre navette de Dorlisheim à Scharrachbergheim, le point de départ du demi-marathon. Les participants semblent bien préparés.

Rien, dans le petit village de Scharrachbergheim, ne laisse penser qu'un départ de semi-marathon est imminent. Je gravis, avec mes amis d'un jour, une longue côte sinueuse jusqu'au point culminant de ce charmant village. Là, la foule gronde. Le ciel est couvert, mais des coins de ciel bleu sont bien visibles. Je prends place dans les quelque 1000 participants. Certains sont déguisés. La plupart sont en tenue de course à pied classique. À ma droite, j'ai un prêtre en Mizuno, lunettes sur le nez et bréviaire en main. La sono se fait plus forte, et une voix graveleuse annonce l'imminence du départ. 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1... Zéro !

Ici, à Scharrachbergheim, le 19 juin 2011 à 9h30, je prends le départ de mon premier semi-marathon. Je rappelle qu'un semi-marathon s'étend sur un peu plus de 21 km. Je précise également que jusqu'ici, je n'ai jamais réussi à courir plus de 15 km (les 5 derniers km étant courus dans la douleur). Je pars, donc, sans grande illusion et espère finir la course (si j'arrive à la finir) en 2h30. Boucler le parcours en plus de 3h me ferait finir dans les derniers, et j'aimerais éviter ça !!!

Être là, parmi ces 1000 coureurs, me galvanise. TOP DÉPART. Je trottine, tranquille, je ne veux surtout pas m'épuiser. Je dois gérer intelligemment ces 21 km si je veux espérer arriver au bout. Je pars tout doucement. Je respire bien. Je regarde autour de moi, je constate que les personnes qui courent autour de moi partent au même rythme. Je ne suis donc pas une limace. Ou peut-être ne suis-je entouré que de limaces ??? Non, je suis bien. Je continue à être bien sur les deux premiers km, qui sont en descente assez raide. J'appréhende la grimpette à venir...

Je suis (du verbe "suivre"), pendant un ou deux kilomètres, un grand Allemand déguisé en lapin rose. On court sur une piste cyclable, pas très intéressante, plate, en ligne droite... bref, tout ce que je n'aime pas. Ah... première traversée de village. On entend les habitants qui applaudissent, ça fait du bien. Au détour d'une fontaine, des bénévoles nous tentent des verres d'eau et des éponges imbibées d'eau. Je prends les deux ! Je bois tout mon verre et m'asperge de toute l'eau de l'éponge. C'est très agréable. On repart sur cette piste cyclable, toujours plate, toujours en ligne droite et en plein soleil.

Eau, vin, brioche et fanfare. Voici ce qui nous attend au 5e km. J'apprécie la musique de la fanfare qui m'accompagne pendant presque 1 km. En revanche, je refuse le vin et les trucs gras. Je ne me sens pas trop mal, il reste 16 km, je ne veux pas prendre de risque.

Tout se passe bien. On arrive au 7e km. Je dépasse quelques personnes. Quelques personnes me dépassent. Je tiens le choc (mais jusque quand ?). OUPS.... on bifurque. Tout à coup, on grimpe dans un champ. On suit un chemin rocailleux. Et ça grimpe, et ça grimpe... et j'aime ça, et j'aime ça !!! 8e km, on commence à traverser les vignobles, écrasés par les rayons, traîtres, du soleil qui se faufile entre les cumulus. 9e km, je traverse des paysages féeriques, je regarde autour de moi, un frisson me parcours le corps. Je cours mon premier semi-marathon et je prends mon pied ! Je sens mes yeux s'humidifier mais je me concentre sur le sol, irrégulier et parfois boueux.

Après quelques kilomètres de sentiers, on rejoint un petit village, magique, d'où émerge une musique rock aux sonorités "Deep Purple", c'est grisant. 10,5 km, mi-chemin, je regarde ma montre : 1h10 !!! C'est le temps que je mets sur la même distance, sur mes parcours d'entraînement, en semaine. Je suis dans les temps. Sauf accident, je dois pouvoir finir mon parcours en 2h30. J'accélère. 11e km, je traverse ce village, rempli de gamins qui me tendent la main en criant "Allez Arnaud !!!" (bon, ok, mon prénom est inscrit sur mon dossard !). Je leur tape dans la main. Ils sont content et m'encouragent encore plus. Mince, les larmes me montent encore aux yeux, sans doute à cause de mon manque de sommeil ! Verre d'eau, éponge imbibée, quartier d'orange, barre énergétique et muscat, je continue…

Incroyable, je passe le 13e km en étant plutôt bien. Je ne ressens pas de fatigue particulière. Je marche sur une centaine de mètres en côte. Ouh... un ravitaillement ! Pinot gris ? Bon, là, franchement, je ne sais pas si je vais finir le parcours, mais jusqu'ici, je prends un pied d'enfer. Je décide de prendre un verre de Pinot. Wouaaaahhhh... c'est bon !!!!!!!!! Jamais je n'ai trouvé le Pinot Gris aussi bon ! J'en prendrais bien un deuxième, mais non, je reprends la route…

Mince... on rejoint une piste cyclable, donc plate ! Et ce, sur plusieurs kilomètres. Là, je souffre du manque de variété de dénivelé. Mais je me surprends à ne pas souffrir. Tout va bien. Mon allure me semble régulière. Je continue ma course, assez confiant, sans toutefois savoir si je serai capable d'arriver au bout. Je rejoins les deux malades déguisés en radars fixes (?). On fait un bout de chemin ensemble. Ils sont sympas. Tout le monde les chambre avec toujours les mêmes blagues. Je ris en les regardant, ça les fait rire. On commence à sentir la fin du parcours...

"Encore 2 km !!!!" nous crie un bénévole. J'ai du mal d'y croire. Les derniers km passent trop vite. J'ai l'impression d'avoir raté des étapes. Tout s'accélère. Un coureur, alsacien, commence à me parler. Moi, je veux finir ma course seul. Un ravitaillement arrive. Je l'abandonne (pas le ravitaillement, hein, l'Alsacien !) ! Ouf... Il me reste à peine plus de 500 m avant de franchir la ligne d'arrivée. Une question me traverse l'esprit : "Comment ai-je fait ?". Je continue. Le public est de plus en plus nombreux. La sono est de plus en plus forte. Je sens l'émotion… Nombre de pensées me traversent l'esprit. L'émotion me dépasse. Les larmes me montent aux yeux en une fraction de secondes. Je pleure. Je pleure... De bonheur ! Je l'ai fait !!!!! JE L'AI FAIT !!!!! J'essuie vite mes larmes pour passer dignement la ligne d'arrivée. Je l'ai fait !

2h19 de sensations exceptionnelles. Une seule envie : recommencer !

4 commentaires:

  1. Punaise, Arnaud, je suis fier de toi !!!!!

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  2. Punaise, Arnaud, il y a de quoi !!!!!

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  3. je dois dire que c'est très joliment raconté, et que pour un peu, le lecteur verserait également une petite larme d'émotion joyeuse devant cette merveilleuse expérience, réussie et pleine de bonheur!
    oui, de la vraie poésie...
    ;)

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